La particularité du service public

Le secteur public a la particularité d’adresser un grand nombre d’informations sur différents domaines (ordre, protection sociale et sanitaire, éducation, économie…), à des publics extrêmement variés. Dans un contexte d’accroissement exponentiel du volume et de la variété des données disponibles, la recherche d’informations sur le web peut s’avérer un véritable casse-tête pour les internautes. Prenons l’exemple d’une collectivité locale : le citoyen souhaite bénéficier d’une aide régionale pour l’achat d’un vélo électrique ; une entreprise cherche un apprenti pour sa boutique de vélos. Pour un établissement de santé, un patient cherche un spécialiste en cardiologie pour un avis ; un médecin de ville souhaite lancer une télé-expertise avec un spécialiste en cardiologie pour la prise en charge d’un patient. Avec une telle diversité d’attentes et de profils utilisateurs, l’écosystème est à réfléchir au global, en fonction des besoins, des moyens et de la vision du service public.

Représentation en graph des sites et services web en .gouv.fr
Représentation en graph des sites et services web en .gouv.fr

Partager une vision commune

Construire un univers numérique utile, simple et qui répond vraiment aux besoins des usagers, est à la fois une nécessité et un devoir du service public. Pour y parvenir, le service public doit prendre en compte les aspects techniques, graphiques et éditoriaux, tout en intégrant les nouvelles technologies et les héritages, souvent techniques. Pour garder le cap, il est important de partager une vision commune et qu’elle soit partagée au plus grand nombre… surtout aux personnes qui décident. Qu’il s’agisse de construire des sites dédiés en fonction d’une thématique (ex : transports), d’un public (ex : jeunesse) ou d’un usage donné (ex: démarches en ligne) ou bien de construire un portail général, la décision doit être prise avant de lancer les travaux de refonte à proprement parler.

Quel modèle choisir ?

À travers nos différentes expériences, nous avons rencontré 3 cas de figure :

  • centralisation,
  • archipélisation,
  • artificialisation.

La centralisation

La centralisation repose sur la création d’un site unique, composé d’une multitude de catégories, de sous-catégories et de pages. Le site est la source de référence, même si quelques sites spécifiques peuvent exister pour la mise en application de politiques publiques. Plus qu’un site, il s’agit souvent d’un portail qui centralise les différentes informations. Toutefois, la centralisation des informations au sein d’un même site peut devenir inefficace dans les cas d’un organisme public volumineux, sans vision commune. La conséquence principale pour les usagers est un sentiment de désorientation et de découragement face à cette masse d’information, qui plus est, peut-être de qualité informative très variable.

Photo de Luiz Cent sur Unsplash
Photo de Luiz Cent sur Unsplash

L’archipelisation

L’archipelisation selon Édouard Glissant sous-tend l’idée selon laquelle un archipel est composé d’îles avec une identité propre au sein d’une globalité relationnelle. Dans le domaine du web, cela revient à imaginer que chaque île incarne un site ou un service avec une histoire, une identité, une direction, un vocabulaire qui lui est propre. C’est à partir des terres existantes qu’une réponse globale est construite. Le challenge est de créer une vision commune, avec les particularités de chaque territoire. Un travail de rationalisation des thématiques peut avoir lieu afin d’éviter les doublons ou la multiplicité de sous-thématique. Dans cet écosystème, les sites sont dépendants les uns des autres et peuvent tisser des liens pour mutualiser certains aspects (ressources, coûts, compétences…).

 

Les Antilles françaises sont composées d’îles, îlets et îlots
Les Antilles françaises sont composées d’îles, îlets et îlots

L’artificialisation

Imaginez un archipel artificiel constitué d’un tronc et de seize palmes entourés d’un croissant, basé sur la poldérisation (capacité à gagner des terres sur la mer). Je fais référence au projet pharaonique de Palm Island, composé de trois archipels artificiels dans le golfe Persique sur les côtes de l’émirat de Dubaï, aux Émirats arabes unis.
Le même projet existe dans le monde du numérique. À partir d’une ambition, des sites et des services web sont créés pour répondre à une vision initiale. Il est fait table rase du passé pour créer un nouvel écosystème. C’est souvent le cas lorsqu’il s’agit de mettre en place un socle technique ou d’appliquer un design system. Ce chantier d’ampleur permet de repenser une partie ou la totalité du dispositif digital afin de mieux répondre aux attentes des usagers.

Palm Jumeirah à Dubaï (Emirats Arabe unis)
Palm Jumeirah à Dubaï (Emirats Arabe unis)

Industrialisation des sites dans le service public

La notion de “ferme de sites”, “d’usine à sites” ou « site factory » est souvent utilisée par les organismes publics. Il se justifie par la nécessité de créer des sites et des services web dans le futur, de façon standard et unifiée. En effet, afin de répondre à des enjeux d’accélération et de rationalisation des coûts, l’écosystème digital global d’un organisme public doit permettre de :

  • avoir une solution capable d’évoluer avec le temps.
  • créer des gabarits (page, module, composant) modulaires.
  • automatiser la création de “mini-sites” par les services.
  • faciliter le partage de données entre les différents sites.
  • réduire les coûts de création, maintenance et d’hébergement des sites.
  • mutualiser les compétences (RGPD, cybersécurité, accessibilité…)
  • aller vers une indépendance technique, graphique et/ou éditoriale.

Dans ce cadre, une intervention UX/UI débute souvent par la refonte du site institutionnel qui évolue pour passer d’un site vitrine vers un site serviciel. Il s’agit de la première étape d’un projet plus global, celui de refonte de l’écosystème web. Bien que chaque site produit par l’usine à sites soit indépendant des autres, certaines fonctionnalités peuvent être transverses entre les sites telles que les actualités, l’agenda, les formulaires…

Dans une volonté d’harmonisation des pratiques, l’industrialisation des sites est un levier intéressant pour normaliser et mutualiser les sites de l’écosystème web, tout en apportant de l’autonomie et de liberté aux contenus et aux services.

Playmobil représentant les Beatles traversant un passage piéton en file indienne sur la pochette d'album Abbey road.
Photo de Daniel K Cheung sur Unsplash

Univers centré sur l’expérience utilisateur dans le service public

La création d’un écosystème web cohérent et fluide nécessite la mise en place d’éléments structurants afin d’offrir une expérience utilisateur de haute qualité. Cela se traduit notamment par :

  • des parcours utilisateurs optimisés.
  • une recherche performante.
  • une identité de marque consistante.
  • une information uniforme, utile et de qualité.
  • une navigation pensée pour tous les supports.
  • des interactions et services clairs.
France Télévisions propose des contenus réunis en offres thématiques ou par chaîne. La navigation entre les différents sites est fluide, avec un système identitaire dynamique et modulaire.
France Télévisions propose des contenus réunis en offres thématiques ou par chaîne. La navigation entre les différents sites est fluide, avec un système identitaire dynamique et modulaire.

Enfin, de plus en plus d’organismes publics mettent en place des solutions d’évaluation afin de faire évoluer en continu le site. C’est notamment le cas lorsqu’un usager réalise une démarche administrative en ligne. Il peut donner son avis via un bouton proposé en fin de parcours. Nous vous invitons à lire notre article sur comment mesure l’expérience utilisateur d’un site.

Conclusion

Sans oublier les partenaires et les sites web périphériques, l’écosystème web doit permettre de répondre aux enjeux du service public, en fonction de son héritage, de ses compétences et de ses objectifs. Il est essentiel d’aider le client à construire la vision, qu’il s’en saisisse et qu’il puisse la défendre en interne. Puis, le choix du modèle d’univers à créer se fera dans la continuité de la vision, selon la typologie des projets, la maturité du client, les résultats attendus et des contraintes budget/temps.

©Illustration by Dari Shabaeva sur Dribbble.